dimanche 9 septembre 2012

Kippour: Retour, Attachement, et Justice

L’un des textes les plus célèbres de la liturgie de Roch Hachana et de Kippour, d’origine ashkénaze mais qui a aussi intégré la plupart des vieux rituels sépharades (notamment celui de Rav Ovadia Yossef), s’intitule « Ounetané Tokef », « nous allons dire la puissance (de la sainteté de ce jour) ».

Le point culminant de cette prière réside dans la proclamation suivante faite par toute l’assemblée : « et le repentir, la prière, et la charité, chassent le mal du décret.» Ainsi, l’effort de l’individu dans ces trois dimensions permet d’obtenir une décision positive dans le jugement divin qui commence à Roch Hachana et se termine à Kippour.

En fait,  la traduction habituelle des trois mots, « téchouva », repentir, « téfila », prière, « tsédaka », charité, est partielle, et en cela, quelque part, inexacte. En traduisant correctement ces termes, nous allons voir qu’ils ont une portée infiniment plus haute.

« Repentir » signifie qu'une personne a agi d’une certaine manière mais se rend compte qu’elle a fait une erreur. Elle regrette alors et décide de changer. Cette traduction n’est pas erronée car l’un des critères qui permettent de mesurer la sincérité d’une décision pour le futur est bien de savoir comment nous regardons le passé. Mais elle semble ne concerner que celui qui a quelque chose à se reprocher. Or, « téchouva » signifie littéralement « retour » et cette traduction permet de donner à la téchouva une dimension infinie. Car retour signifie qu’en fait, l’essence profonde de l’être souhaite faire le bien. Prendre conscience de son erreur ne signifie donc pas changer, comme pourrait le laisser entendre le terme « repentir ». Cela signifie « retourner », revenir à son moi le plus profond qui est positif. Et cet effort pour faire un  retour à soi a toujours un sens quel que soit le niveau spirituel de la personne, même pour un Juste.

« Prière », signifie « demande », et présuppose que quelque chose manque à celui ou celle qui s’adresse à D.ieu. Cette traduction, là aussi, n’est pas fausse car la prière est un acte fondamental par lequel nous reconnaissons que D.ieu est le maître du monde et dispose de tous les éléments de la création. Et c’est la raison pour laquelle nous Lui adressons, à Lui Seul, nos prières. Mais celui qui se sent comblé dans sa vie pourrait alors considérer que la prière ne le concerne pas. Nos sages expliquent que le terme hébraïque « téfila », vient de la racine « tofel » qui signifie « nouer », « attacher » Le sens profond de la « prière », sa finalité, est d’essayer de s’attacher au Créateur, de faire vibrer l’âme qui réside en chacun de nous et qui représente notre point d’attache avec Lui. Et dans cette perspective, nous avons tous à puiser des forces spirituelles, tous les jours, et en particulier le jour de Kippour.

« Charité » signifie que l’on donne à celui qui est dans le besoin, et que cet acte traduit la compassion que nous avons pour lui. De plus, il laisse entendre que le don est le seul fruit du bon vouloir, et qu’il n’y avait aucune obligation de donner. Que faire lorsque l'on ne ressent pas un tel sentiment ? Or, en hébreu, « tsédaka » dérive de la racine « tsédek » qui signifie « justice ». Pour le judaïsme, celui qui donne s’associe à D.ieu pour rétablir la justice dans ce monde. Dès lors, le don n’est pas un acte philanthropique, qui pourrait disparaître si le sentiment de générosité s’évanouit. Il est un acte de justice, nécessaire, par lequel nous nous associons à D.ieu en parachevant la perfection de la Création.

mardi 4 octobre 2011

3 axes de travail pour les 10 jours de téshouva

Dans toutes les communautés ashkénazes et dans certaines communautés séfarades, l'usage est de lire lors de Rosh ha-Shana la poignante prière intitulée "Ou-netané Tokef".

Cette prière, attribuée au martyr médiéval Rabbi Amnon de Mayence, nous rappelle que trois moyens sont à notre disposition pour obtenir le pardon et être jugés favorablement : - le repentir (téshouva) - la prière (téfila) - la charité (tsédaka).

En lieu et place de plus longs discours, nous pouvons méditer sur quelques pensées éparses du Maharal de Prague qui éclairent chacun de ces trois axes.

Ces trois axes correspondent aux trois directions vers lesquelles nous devons déployer nos efforts, même si, bien évidemment, les trois voies s'entrecroisent et s'enrichissent l'une l'autre.

La téshouva - Ben Adam lé-atsmo - Travail sur soi

"C'est parce que l'homme est doté d'un corps lui-même sujet au changement et à l'altération qu'il est en mesure de regretter ses fautes et de se repentir. Si l'homme n'était qu'esprit, ses actions seraient alors purement immatérielles, immuables."

"Lorsque l'homme se repent, il revient à son origine première. Il revient à D.ieu."

"Celui qui se repent se sépare de son mauvais penchant et accède ainsi à la liberté. C'est pourquoi l'on sonne du shofar à la fin de Yom Kippour, afin de proclamer la liberté recouvrée de son âme."

La téfila - Ben Adam la-Makom - Travail dans la relation à D.ieu

"La prière existe parce que l'homme est une créature de D.ieu. Il doit donc prier devant Lui afin de faire savoir qu'il lui doit la vie et a donc besoin de Lui pour continuer à exister."

"Toute prière nécessite l'usage de la parole. Il n'y a pas de prière par la seule pensée."

"La prière est la voie directe permettant à l'homme de s'élever vers D.ieu."

La tsédaka - Ben Adam la-'havéro - Entre l'homme et son prochain

"La bonté envers autrui purifie la matière tout comme la vérité purifie l'esprit."

"Les gens qui font le bien autour d'eux ont un visage particulier, qui reflète la bonté."

"Celui qui donne la tsédaka ressemble à une fontaine : plus il répand sa bonté, plus D.ieu l'aide en augmentant sa capacité à donner. Car de la fontaine ne peut jaillir l'eau sans que sa source la renouvelle continuellement."

Puissent ces quelques paroles nous aider à entamer une nouvelle année consacrée au travail sur soi, à l'attachement à D.ieu et au bien que nous devons répandre autour de nous.

vendredi 15 juillet 2011

Résumé Parachat Matot


Moïse transmet aux chefs des tribus les lois sur l’annulation des vœux. La guerre est déclarée à Midiane du fait de leur implication dans la chute morale que le peuple d’Israël a connu à Chittim. La paracha nous donne un compte rendu détaillé de la manière dont le butin de cette guerre a été partagé entre le peuple, les soldats qui ont combattu, les Lévites, et le Grand Prêtre.

Les tribus de Réouven et Gad (suivies plus tard par la moitié de la tribu Ménaché) demandent à hériter des terres conquises à l’est du Jourdain car leur fertilité convient à leurs nombreux troupeaux. Moïse est d’abord irrité par cette demande, craignant qu’elle ne décourage le peuple, comme l’ont fait les explorateurs quarante années auparavant. Il accepte finalement à la condition que les hommes de ces tribus se joignent à la conquête des terres à l’ouest du Jourdain avant de rejoindre leur famille préalablement installées.

Matot : la fiancée


Le début de notre Sidra expose les lois concernant l’annulation des vœux. L’un des cas exposés est celui ou le mari peut annuler les vœux de son épouse, cette capacité pouvant s’exprimer de deux manières. En effet, la Thora prévoit deux étapes dans le mariage. La première étape s’appelle en hébreu « éroussine », (mal) traduit par fiançailles. C’est elle qui est effectuée par le don de la bague. A ce moment, la mariée exclut toute possibilité d’union avec un autre homme, ce serait déjà un adultère, doit recevoir un acte de divorce (« guète ») pour se séparer de son mari. Cependant, elle n’a pas encore entamée de vie commune avec lui. La deuxième étape s’appelle en hébreu « nissouine » : c’est la vie commune où les deux êtres forment, selon l’expression de la Genèse, « une seule et même chair ». A l’époque Talmudique, les éroussine et les nissouine étaient deux événements distincts, séparés par une période d’environ une année. De nos jours, les deux étapes s’effectuent le même jour.

Pour ce qui concerne les vœux, pendant la période des « eroussine », le mari peut annuler les vœux de son épouse mais uniquement en accord du père de la mariée. Cependant, il peut aussi annuler les vœux qu’aurait fait sa femme avant les fiançailles. Inversement, après les nissouine, le mari est le seul à pouvoir annuler les vœux de son épouse, mais uniquement ceux qui ont été formulés après le mariage.

Le pensée hassidique retire des ses lois toute une symbolique pour le service de D.ieu. En effet, il existe deux catégories d’hommes justes. Il y a d’une part celui qui arrive, en permanence, à dominer son mauvais penchant mais pour lequel ce combat est incessant. Le Talmud dit à son propos que « si ce n’était D.ieu qui l’aide, il ne pourrait pas le vaincre. » Car pour gagner cette lutte continue, il doit exploiter en permanence l’aide divine que représente la capacité à discerner le bien. Mais il y a d’autre part celui qui a terminé cette lutte et pour lequel le bien est devenu naturel. C’est la différence entre le « beinoni », « l’homme intermédiaire » et le « tsaddik », le « Juste » au sens du Tanya. On retrouve cette distinction dans les termes de Maimonide (Traité des huit chapitres) qui établit deux catégories : « celui qui domine son penchant » et « l’homme pieux parfait ». L’attachement à D.ieu du « beinoni », qui repousse le mal en permanence, est symbolisé par les « eroussine » qui forment un lien défini par négation (l’exclusion des tous les autres hommes). Les « nissouine » symbolisent le niveau du Tsaddik qui, à l’image des époux qui forment alors une seule entité, est complètement attaché à D.ieu

Cependant, cette parabole nous éclaire aussi sur une élévation qui appartient au seul « beinoni ». Car une question intrinsèque à la nature humaine est de savoir comment on peut dominer les instincts matériels et les diriger vers le bien puisqu’ils se forment dès la naissance, alors le bon penchant ne se développe que plus tard, à l’âge de la raison ? Comment ce discernement pourrait-il agir sur une force qui le précède dans le temps et donc dans l’intensité ? La fiancée nous donne la réponse. En effet, nous avons vu que lors de la période des eroussine, le mari, parce qu’il partage encore une part de l’autorité avec le père de la fiancée, peut agir sur le passé et annuler les vœux qui ont été fait avant le mariage. De la même manière, le beinoni, parce qu’il doit puiser dans les forces que lui donne D.ieu, symbolisé par le père, a la capacité de raffiner et d’exploiter l’énergie des forces « animales » pour développer le bien dans ce monde.